Présent dans énormément de souches Poney français de selle, Loulou est un des chefs de race les plus marquants de son époque ayant aidé à la création du type PFS que l’on connaît aujourd’hui, un poney sport, fort mais élégant, compétiteur mais pratique. Retour sur l’histoire peu commune d’un des fondateurs de la race.
C’est en 1964 que Loulou voit le jour dans la Manche, en Normandie, où il commence une carrière de reproducteur poney. Sa progéniture se développe et se présente alors à la foire de Lessay, en Normandie toujours, où se rend chaque année la famille Leroyer menée par Jules, chef de famille. « Lorsque les Américains sont arrivés en 1945 en Normandie, les Manchois ont été obligés de partir en exode et sont donc venus en Mayenne où certains sont devenus amis avec mes parents et mes grands et grands-parents. Une fois les Américains partis, ils sont rentrés chez eux et mon père les a malheureusement perdus de vue malgré leur promesse de se revoir un jour. À la mort de mon grand-père, nous avons décidé de faire quelques recherches sur le pays manchois et sommes retombés sur ces gens-là. Nous sommes alors allés leur rendre visite et avons découvert leurs races de chevaux, races très légères de selle, quand nous avions à l’époque, chez nous, uniquement des races lourdes. Nous avons alors été véritablement épatés par ces modèles. Nos amis nous ont à l’époque demandé de revenir l’année suivante et nous ont emmené à la Foire de Lessay, événement extraordinaire où se rassemblaient à l’époque jusqu’à 3 000 chevaux. C’était le rendez-vous des acheteurs les plus pointus de la France entière qui venaient y chercher leurs futures stars. À l’époque, tous les poneys non vendus partaient à l’abattoir car, avec la mécanisation des travaux notamment, leur utilisation devenait réduite ; cela nous fendait le cœur. Il y avait des poneys absolument magnifiques et nous nous sommes mis à nous y intéresser en faisant du repérage. Un an ou deux après, nous avons alors acheté une sublime pouliche de 6 mois d’un certain Loulou. Nous avons alors fait connaissance avec l’étalonnier de ce dernier qui, trois ans plus tard, a eu des problèmes financiers et a vendu Loulou à un marchand pour l’envoyer à l’abattoir. Nous faisions à cette époque du commerce avec ce dit marchand et ce dernier savait que mon père souhaitait acheter Loulou s’il était un jour à vendre. Ce marchand s’est donc dit que, s’il l’envoyait Loulou à l’abattoir sans en avertir mon père, celui-ci serait extrêmement déçu et cesserait tout commerce en Normandie. Nous avons donc reçu un coup de téléphone et avons donc immédiatement acheter Loulou qui est devenu, alors âgé d’environ 7 ans, étalons à la maison » se souvient passionné Paul Leroyer, aujourd’hui à la tête de l’élevage Normand et fils de Jules Leroyer, éleveur de renom à l’origine de la découverte de Loulou et de la propagation de son origine avec l’élevage de Cossé notamment.
Ne disposant alors d’aucun papier car ceux-ci avaient été brûlés dans le passé à la suite d’une vente défavorable au vendeur lors de laquelle celui-ci a accepté de céder l’étalon à un tarif moindre sous réserve de ne pas donner les papiers, Loulou a finalement été approuvé Poney Français de Selle sur production. En effet, l’alezan offrait beaucoup de qualités à sa production et réussissait, qui plus est, à effacer énormément de défauts, ce qui a séduit Jean Lassoux, alors président de l’Association nationale du poney français de selle et pourtant intransigeant sur la grille de croisement de l’époque. « Je pense qu’il devait avoir du sang britannique qui coulait dans ses veines car il y avait une invasion de ces courants à cette époque en Normandie. Ce n’est que notre avis, mais nous n’en avons aucune certitude étant donné qu’il n’avait aucun papier pour en attester ! Il y a environ cinquante ans, ses produits ressemblaient au Pur Sang Anglais d’aujourd’hui et c’est ce qui me laisse penser à cette possibilité d’origines lointaines chez Loulou. À l’époque, nous avions des juments lourdes et terriblement laides sur lesquelles les gens ont osé mettre Loulou. Lorsque les éleveurs voyaient les poulains, ils étaient étonnés et subjugués car ceux-ci étaient magnifiques ! Loulou transmettait sa très belle et chic tête et effaçait beaucoup de défauts des mères. Nous avons très rapidement vu qu’il s’agissait d’un père exceptionnel et lorsque Jean Lassoux venait dans les concours d’élevage à Cossé-le-Vivien notamment, il voyait bien que Loulou n’était pas un poney de sang pur, mais qu’il était un incroyable reproducteur ce qui l’a poussé à l’approuver comme Poney français de selle au début des années 1970 de manière exceptionnelle ; cela est d’ailleurs stipulé sur le document d’approbation », se remémore amusé l’éleveur.
Un engouement extrêmement rapide se crée autour de ce Loulou qui séduit alors un bon nombre d’éleveurs. « Il y a eu un engouement très fort et très rapide notamment car ses produits s’illustraient beaucoup en course de poney. Les gens recherchaient des poneys pour que leurs enfants puissent s’illustrer en compétition et la progéniture de Loulou était parfaite pour ça. Olivier Peslier, jockey star des courses de plats désormais, né à Cossé-le-Vivien, d’où nous venions, a d’ailleurs débuté avec ses produits. Loulou avait un caractère exceptionnel et était d’une praticité sans nom, choses qu’il transmettait. Enfin, ses poulains étaient en plus de bons sauteurs et ont eu beaucoup de bons résultats. Qui plus est, un certain nombre d’éleveurs de notre région, comme Edgar Colas par exemple, sont venus nous acheter des juments issues de loulous car ils saluaient leurs qualités et les voulaient comme poulinières. La majeure partie de la souche Poney français de selle en Mayenne est issue de Loulou », salue le passionné d’élevage de poney.
Une souche donc qui s’est créée année après année basée sur les différents produits de Loulou notamment. « Nous pouvions marier Loulou à beaucoup de juments. Il n’est pas bon de ne donner que ses points positifs, Loulou était aussi un peu petit (1m35, ndlr) et avait un dos assez banal. J’aurais en effet aimé qu’il ait un dos plus tendu mais, étonnamment, tous ses produits avaient un très bon dos. Je pense que dans sa génétique passée, ses ancêtres disposaient de dos toniques et ronds qui expliquerait que l’on retrouve cela dans sa progéniture. Il a produit notamment Oura qui a beaucoup sailli et puis il y a aussi eu Ultra de Ruille, né en 1986, dont la mère était Intrépide Normande, fille d’Esquisse Normande, elle-même par Loulou, qui a donné naissance à un nombre impressionnant de produits indicés (122 produits indicés sur 252 naissances, ndlr) et avec des IPO incroyables. Ultra de Ruille appartient à Gilbert Piau qui, chaque année, se rendait au Sologn’Pony avec des produits de son étalon en étant quasiment sûr à 100% qu’ils seraient tous vendus ! les gens se les arrachaient. »
Arrivé en Mayenne par chance, grâce au Leroyer, visionnaires et à l’origine de ce pari risqué, Loulou n’en quittera plus ses vertes prairies, et ce jusqu’à son dernier jour. « Loulou est resté chez nous jusqu’à sa mort, vers 33 ans. Il est mort de vieillesse. Nous nous étions dit que, de toute manière, après l’avoir sauvé des abattoirs il resterait chez nous jusqu’à son dernier souffle ! Il avait tellement de belles choses pour nous que nous avions un devoir envers lui. Il a sailli jusqu’à près de 25 ans et est restez fertile jusqu’au bout avec une bonne semence. Au départ, il a fallu que nous trouvions des juments en Normandie, chez la famille Levallois par exemple, que nous ramenions pour les éleveurs de la région qui ensuite décidaient d’utiliser Loulou. En effet, puisqu’il avait quitté la Normandie, son origine n’était pas présente dans le sang des poulinières que nous ramenions », compte Paul Leroyer. Loulou a culminé à 60 saillies en 1975 mais au total, ce sont 361 saillies qui ont été vendues durant toute sa carrière pour 191 poulains déclarés, une très belle performance pour les débuts des Poneys français de selle.
(Source ANPFS)